[ARTICLE] – Rencontre avec Mary Lawlor, Rapporteuse des Nations Unies sur la situation des défenseur·se·s des droits humains

Le mardi 5 septembre 2023, une rencontre, facilitée par Agir ensemble, a été organisée entre Mary Lawlor, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseur·se·s des droits humains, et un groupe composé de 16 défenseur·se·s engagé·e·s en République Démocratique du Congo. Cette réunion a permis d’engager un échange sur les défis auxquels sont confronté·e·s les défenseur·se·s, et de recueillir leurs recommandations pour renforcer leur protection dans un contexte de violations généralisées et d’insécurité.

Au cours de cette réunion, plusieurs participant·e·s ont exprimé leurs inquiétudes concernant le contexte de violations des droits humains et d’insécurité en République démocratique du Congo. Ils·elles ont évoqué plusieurs facteurs qui contribuent à l’environnement extrêmement difficile auquel ils·elles sont confronté·e·s.

Avec le conflit armé, l’état de siège et la présence croissante de milices armés à l’Est du pays, « les violations des droits humains, et notamment les massacres de défenseur·se·s des droits humains (DDH) sont devenues monnaie courante ». Ils·elles décrivent des violations quotidiennes, notamment des assassinats ; des menaces ; des arrestations arbitraires lors de manifestations pacifiques ; une criminalisation avec des condamnations sur la base d’accusations sans fondement ; de la stigmatisation liée aux préjugés qui entourent les défenseur·se·s, qualifiés de « traîtres », ou de « personnes manipulées par l’Occident qui ternissent l’image de leur pays à l’étranger ». Plusieurs DDH ont aussi exprimé leurs craintes quant à l’augmentation des risques et des attaques à l’approche des élections prévues pour la fin de l’année.

D’autre part, plusieurs participant·e·s ont également évoqué les discriminations et les violences sexuelles et de genre subies par des défenseur·se·s dans l’exercice de leur fonction. « Lorsque l’on est une femme, avant même que l’on écoute votre message de plaidoyer, on vous décourage. […] Les femmes sont stigmatisées, ce qui limite leur voix, qui devrait pourtant être amplifiée pour changer la situation ». Les intervenant·e·s ont aussi exprimé leur inquiétude quant au risque de violence sexuelle à l’encontre des défenseuses, citant des craintes de représailles en réponse à leur travail. « Il est impératif de défendre et de promouvoir les droits des femmes dans les États fragiles, tout en luttant contre les normes et les coutumes sociales qui favorisent les violations des droits des femmes ».

Une défenseuses a aussi mis en lumière les obstacles spécifiques auxquels sont confrontés la communauté LGBTQIA+ en RDC, en particulier les personnes transgenres. Souvent rejetées par leur famille et la société, ils·elles sont régulièrement confronté·e·s à des agressions et discriminations. Une défenseuse transgenre a raconté qu’elle avait été attaquée par des hommes armés, qui avaient filmé l’agression. Elle souligne la nécessité de mettre en place un soutien juridique et médical pour la communauté LGBTQIA+ afin de les aider à déposer des plaintes et à lutter contre les violences sexuelles et de genre.

Ces témoignages soulignent l’urgence de la situation des défenseur·se·s des droits humains en RDC et la nécessité d’actions concrètes pour les protéger et promouvoir leurs droits. Ainsi, plusieurs recommandations ont été formulées lors de cet échange, notamment l’appel à la promulgation et à l’adoption de la loi sur la protection des défenseurs des droits humains. Les participant·e·s ont exhorté la rapporteuse à plaider en faveur de cette loi auprès des Nations Unies et du gouvernement congolais. Mary Lawlor a d’ailleurs écrit aux autorités pour leur faire part de son soutien à la loi nationale actuellement examinée par le Parlement. Les défenseur·se·s ont notamment souligné l’importance de faire connaître les textes législatifs déjà adoptés en RDC. Ils parlent de leur inquiétude quant au fait qu’énormément de bonnes lois soient restées lettre morte par le passé. Une demande officielle a également été formulée pour que Mary Lawlor se rende en RDC afin de rencontrer des défenseur·se·s des droits humains et d’évaluer la situation. Certains ont souligné que la présence physique de la rapporteuse revêt une grande importance, non seulement à Kinshasa, mais aussi dans les régions où les violations des droits humains sont moins médiatisées.

Retour haut de page