Buenaventura: accord de Paix en péril et pandémie

Le 16 mars dernier, l’Institut pour le développement et la paix (INDEPAZ) rapportait que 2021 était jusqu’ici l’année la plus meurtrière en Colombie avec 171 leader∙euse∙s sociaux∙les, 48 signataires de l’Accord de Paix assassiné∙e∙s et 96 massacres. L’année 2022 s’annonce aussi sombre que la précédente avec 41 leader∙euse∙s tué∙e∙s depuis le 1er janvier 2022. Le département du Valle de Cauca est particulièrement touché par cette violence, exacerbée depuis 2020. 

Une paix difficile meurtrie par la violence

La démobilisation des FARC et la création de l’ELN a engendré une prolifération de groupes paramilitaires et/ou narcotrafiquants à Buenaventura. Malgré la volonté du gouvernement colombien et des FARC- signataires majeurs de l’Accord de Paix de 2016- de respecter le processus de paix, les mesures prévues tardent à se concrétiser. Par exemple, les 8 millions de pesos prévus pour la démobilisation et la réinsertion des ex-combattantes n’ont toujours pas été entièrement déboursés, ce qui peut inciter certaines ex-combatantes à rejoindre les groupes armés pour s’assurer un revenu. De plus, la circulation d’armes pendant le conflit a fourni le matériel nécessaire aux nouveaux groupes armés, en dépit d’un bon effort de désarmement : presque 9000 armes et 700 caches d’armes et d’explosifs ont été saisis par la mission de l’ONU.

Les groupes armés possèdent donc toujours une forte autorité dans le pays, particulièrement à Buenaventura, où le port est un important point stratégique du fait de sa forte activité marchande. Même si l’Accord de Paix prévoit des mesures de lutte contre le trafic de drogue, cela reste insuffisant face à l’ampleur de la situation. Malheureusement, ce sont les populations qui endurent les conséquences du pouvoir des groupes armés : spoliation et extorsions, déplacements forcés, casas de pique (maisons de torture), menaces, disparitions forcées, recrutement des jeunes garçons, etc. 

Pandémie de violences et de Covid-19

Le confinement de mars 2020 a accentué les violences quotidiennes car les groupes armés ont craint une perte de pouvoir sur leurs territoires. Les habitantes de Buenaventura en ont subi les conséquences, se voyant notamment privé.e.s de leur liberté de mouvement et violenté.e.s en cas de non-respect des restrictions imposées par les groupes, etc. La violence liée à la pandémie ne s’est pas atténuée en 2021. En effet, l’Observatoire de la Violence et de la Démocratie (OVCD) a constaté une augmentation de la violence de 200% en 2021 par rapport à 2020, le résultat non seulement de la crise sociale mais aussi des mesures anti-covid. Début janvier 2022, la violence a augmenté de 180% par rapport à l’année dernière sur la même période à cause d’un affrontement entre le Gulf Clan et l’ELN prenant les populations en otage entre les balles.

Alors que des élections présidentielles en Colombie sont prévues le 29 mai et le 19 juin 2022, il est essentiel que les autorités colombiennes poursuivent leurs engagements sur la réhabilitation des ex-combatantes et la lutte contre le trafic de drogue ainsi que de lutter contre l’impunité des perpétrateurs de violences contre la population de Buenaventura. La communauté internationale et la France doivent s’assurer que l’État colombien respecte ses engagements pris sous les traités de droits humains internationaux et les Accords de Paix de 2016 en la matière et apporter un soutien aux habitantes de Buenaventura forcées de fuir.

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