[PAROLE D’ACTRICE] – Retour sur les 20 ans du Protocole de Maputo, réelles avancées et défis persistants

Adopté le 11 juillet 2003 par l’Union africaine, le Protocole de Maputo est un traité régional qui constitue une étape majeure dans la lutte contre les discriminations et les violences basées sur le genre en Afrique. À l’occasion du vingtième anniversaire de son adoption, Agir ensemble pour les droits humains donne la parole à sa partenaire congolaise, Viviane Sebahire, coordinatrice des programmes chez SOFEDI RDC.

Le Protocole de Maputo offre un cadre spécifique en matière de droits des femmes, puisqu’il reconnaît aux femmes un large éventail de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Parmi ces droits figurent le droit à la vie, à l’intégrité physique, à la dignité, le droit à l’égalité dans le mariage et la famille, le droit à l’autonomisation économique, le droit de participer pleinement à la vie politique, ou encore le droit à la prise de décision et à la gestion des affaires publiques.

Son article 14 est particulièrement significatif puisqu’il reconnaît les droits reproductifs des femmes, notamment le droit d’accéder à des services de santé sexuelle et reproductive de qualité, et le droit de recourir à l’avortement sécurisé dans des circonstances spécifiques. Viviane Sebahire avance que « le Protocole de Maputo est le principal instrument juridique international de protection des femmes et des filles. Cet instrument met véritablement l’accent sur les droits de santé sexuelle et reproductive, ce qui représente pour nous, en tant qu’activistes, une opportunité de faire pression sur le gouvernement de la RDC. (…) Nous devons profiter de ce protocole de Maputo, de son article 14, mais aussi de notre constitution qui promeut également le droit des femmes ».

Depuis son adoption, le Protocole de Maputo a été ratifié par la plupart des pays africains. Toutefois, comme le rappelle Amnesty International, en pratique, « de nombreuses violations des droits fondamentaux des femmes – liées uniquement ou principalement au genre – sont commises quotidiennement en Afrique (…). Ces violations sont provoquées et aggravées par les inégalités sociales et économiques entre les hommes et les femmes [qui] ont peu accès à l’éducation, à la terre, aux ressources financières et aux soins médicaux et ont un statut inférieur au sein de la famille ». Certains États Africains signataires peinent encore à harmoniser leur législation nationale avec les normes énoncées dans le protocole. Selon Viviane, « Il reste encore un long chemin à parcourir ».

« Il y a encore du chemin à parcourir par rapport au protocole. Nous sommes en train de mettre l’accent sur les droits de santé sexuelle et reproductive mais que faisons nous par rapport à la paix, au droit économique ? Il y a du chemin à faire. »

Pour surmonter ces défis, il est essentiel que les États signataires renforcent leur engagement politique en faveur de l’égalité et de l’autonomisation des femmes. Viviane Sebahire croit en « l’importance de la vulgarisation pour sensibiliser au Protocole de Maputo », ce qui faciliterait la formation des acteur∙ice∙s concerné∙e∙s, son accès au plus grand nombre et l’allocation de ressources adéquates pour mettre en œuvre les mesures prévues par le protocole. Elle raconte : « en 2005 par exemple, notre gouvernement avait adhéré au protocole et des marches avaient été organisées contre cette adhésion (…). Nous sommes venu∙e∙s démentir ces propos, faire de la vulgarisation en proposant de l’information et en expliquant comment c’est écrit et comment ça fonctionne ».

En dépit des défis persistants, le Protocole de Maputo représente un engagement fort en faveur de l’égalité des genres sur le continent africain.Il s’agit du seul instrument juridique international pour la promotion des droits des femmes en Afrique, et sa mise en œuvre progresse malgré tout grâce aux efforts des États qui en font partie, et des organisations de la société civile qui constituent des moteurs de changements sociaux positifs. La société civile et les défenseur∙se∙s sont des acteur∙rice∙s clés de changements sociétaux à chaque étape d’amélioration des droits des femmes. C’est pourquoi Agir ensemble se mobilise (chaque jour) pour leur défense et leur protection.

« Je ne crois pas qu’un seul homme puisse prétendre faire le travail quotidien qu’accomplit une femme. »

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