Tchad : des défenseur.se.s des droits humains arrêté.e.s durant une manifestation hostile à la France

Samedi 14 mai 2022, des centaines de personnes ont manifesté à N’djamena, capitale du Tchad, pour dénoncer le soutien de la France au gouvernement militaire de transition et plus généralement la présence française en Afrique. Des responsables d’organisations de la société civile ont été arrêté.e.s et détenu.e.s arbitrairement.

Arrestations à répétition depuis le coup d’Etat 

Cette manifestation s’inscrit dans la ligne de divers rassemblements pacifiques organisés par le collectif d’opposition Wakit Tama depuis février 2021 et durement réprimés par les forces de l’ordre. Lors de la marche, Gounoung Vaima Gan-Fare, secrétaire général de l’Union des Syndicats du Tchad (UST), et Maître Koude Mbainaissem, avocat au Barreau du Tchad, ont été arrêtés et détenus. Le rassemblement avait pourtant été autorisé par le ministère de la sécurité publique. Le CSI Afrique compare cette arrestation à “un enlèvement bien orchestré” par les agents des renseignements généraux. 

Depuis le 20 avril 2021, suite à la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, son fils a pris le pouvoir à la tête d’une junte militaire et a immédiatement dissout l’Assemblée nationale et abrogé la constitution. La France, l’Union européenne et l’Union africaine ont apporté leur soutien au pouvoir autoritaire mis en place suite au coup d’Etat. Bien que le Conseil Militaire de Transition (CMT) ait promis une transition de 18 mois à l’issue d’un dialogue national avec les groupes d’opposition, celui-ci n’a cessé d’être reporté. Depuis, des décès et actes de torture ont été recensés dans le cadre de la répression des opposant.e.s au régime. 

Agir face à l’impunité des forces de l’ordre tchadiennes

Agir ensemble pour les droits humains et Tournons la Page (TLP) dénoncent la répression des manifestations pacifiques au Tchad dans un rapport publié en mars 2022, “Tchad, une répression héréditaire”. Il est nécessaire que les autorités tchadiennes mettent fin aux campagnes d’intimidation visant les responsables des organisations de la société civile, et restaurent l’ordre constitutionnel au terme de la transition via l’organisation d’élections civiles. La France, l’Union Africaine, l’Organisations des Nations Unies et l’Union Européenne doivent quant à elles conditionner leur appui aux autorités locales au respect des droits humains par ces dernières, et notamment aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Face aux violations évidentes de ces droits, les partenaires internationaux du Tchad sont appelés à condamner les exactions commises et soutenir les organisations de la société civile et les défenseur.se.s des droits humains en danger.

[Mise à jour du 06/06/2022]

Suite à la manifestation du 14 mai 2022, d’autres membres de l’opposition au Tchad ont été arrêtés et accusés d’être à l’origine d’ “attroupements ayant causé des troubles à l’ordre public”, dans le cadre d’actes de vandalisme contre des stations essence Total commis en marge de la manifestation. 

Les six responsables de l’opposition ont été jugés le 6 juin 2022 et condamnés à 12 mois de prison avec sursis et une amende de 10 millions de francs CFA de dommages et intérêts. 

Parmi les militants arrêtés figure notamment l’avocat et coordinateur de Wakit Tama, Max Loalngar. Le collectif d’avocats de la défense a dénoncé ces arrestations ainsi que les conditions de détention des militants.

L’arrestation des opposants compromet davantage encore le forum national devant réunir opposants et groupes armés dans le cadre de la fin de la transition au Tchad, qui semble de plus en plus impossible à conclure au terme des 18 mois prévus.

Les six responsables de l’opposition arrêtés sont Max Loalngar (coordinateur de Wakit Tamma, la principale coalition de l’opposition), Gounoung Vaima Gan-Fare, (secrétaire général de l’Union des syndicats du Tchad), Youssouf Korom Ahmat (secrétaire général du Syndicat des commerçants fournisseurs tchadiens), Massar Hissene Massar (président du Rassemblement des cadres de la société civile), Koudé Mbainassem (président de l’Association pour la liberté d’expression) et Allamine Adoudou Khatir, ancien ambassadeur.

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