Le 25 septembre 2025, des milliers de personnes, principalement des jeunes, se sont rassemblées à Antananarivo et dans plusieurs grandes villes de Madagascar pour dénoncer les coupures prolongées d’eau et d’électricité, la corruption et l’insécurité. L’ampleur des mobilisations a dépassé la capitale, avec des manifestations signalées à Toliara, Antsiranana/Diego Suarez et Mahajanga [1].
Un bilan humain déjà accablant
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), la répression a fait au moins 22 morts et plus d’une centaine de blessés. Le HCDH précise que certaines victimes ont été tuées par des membres des forces de sécurité, tandis que d’autres sont mortes lors de violences et de pillages commis par des groupes sans lien avec les manifestants [2].
Recours illégal à la force létale
Les rassemblements, largement pacifiques, ont été dispersés par un recours à la force jugé non nécessaire et disproportionné, incluant des tirs de gaz lacrymogène, des coups de matraques et, dans certains cas, l’utilisation de balles réelles [3].
Les journalistes n’ont pas été épargnés. À Antsiranana, la reporter Hardi Juvaniah Reny a été grièvement blessée par balle alors qu’elle couvrait les manifestations. À Antananarivo, le photojournaliste Alain Rakotondrainabe et le reporter Leonard Jo Andriamparany (Real TV) ont été agressés par des gendarmes du Groupement de sécurité et d’intervention spéciale (GSIS). Selon Reporters sans frontières (RSF), au moins quatre journalistes ont été blessés, dont deux délibérément pris pour cibles [4].
Un bilan officiel contesté par les autorités
Le gouvernement malgache a contesté le chiffre de 22 morts avancé par l’ONU, affirmant que le nombre de victimes serait inférieur et qu’une partie des violences est imputable à des groupes incontrôlés [5].
Ces déclarations s’opposent pourtant aux constats largement documentés par les organisations de défense des droits humains. L’Observatoire FIDH/OMCT rapporte notamment l’arrestation d’au moins trois personnes, dont deux défenseur·es, soumis·es à la torture et privés d’accès à un·e avocat·e et à leurs proches [6].
Obligations internationales
Madagascar est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Ces textes garantissent le droit à la vie, l’intégrité physique et les libertés d’expression et de réunion pacifique.
Les Principes de base de l’ONU sur le recours à la force et aux armes à feu par les forces de l’ordre (1990) précisent que les armes létales ne peuvent être utilisées qu’en cas de menace imminente de mort ou de blessure grave et seulement lorsque des moyens moins extrêmes s’avèrent insuffisants [7].
L’Observation générale n°37 du Comité des droits de l’homme (2020) rappelle par ailleurs qu’une manifestation demeure pacifique même si des actes isolés de violence surviennent, et que les participants conservent leur droit à la liberté de réunion pacifique [8].
Ces standards internationaux n’ont manifestement pas été respectés lors des événements de septembre.
Réactions de la société civile internationale
- Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé à des enquêtes rapides, indépendantes et transparentes [9].
- La FIDH et l’OMCT ont dénoncé la répression d’une manifestation pacifique et documenté des arrestations arbitraires [10].
- Reporters sans frontières a condamné les violences contre la presse et indiqué qu’elle suivra les promesses d’enquêtes formulées par le gouvernement [11].
- Amnesty International a insisté sur la nécessité d’enquêter sur l’usage meurtrier de la force et a dénoncé le recours à une loi répressive datant de l’époque coloniale pour justifier des arrestations [12].
Agir ensemble exprime sa solidarité et sa vigilance
Agir Ensemble sa profonde préoccupation face aux violations graves commises lors des manifestations.
Nous dénonçons les atteintes au droit de manifester pacifiquement et à la liberté d’informer, et réaffirmons notre solidarité avec la jeunesse malgache, les défenseur·ses et les journalistes.
Face à la gravité de ces violations, AEDH restera mobilisée pour relayer et appuyer la parole des acteurs locaux, en faveur de la vérité et de la justice.
[1 https://www.reuters.com/world/africa/madagascar-protesters-return-streets-despite-move-dissolve-government-2025-09-30/; https://www.reuters.com/world/madagascar-youth-protesters-suspend-marches-capital-24-hours-2025-10-02/].
[2 https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157585]
[3 https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157585]
[4 https://rsf.org/fr/manifestations-de-la-gen-z-%C3%A0-madagascar-au-moins-quatre-journalistes-bless%C3%A9s-dont-deux-cibl%C3%A9s-par-0]
[5 https://www.reuters.com/world/africa/madagascar-protesters-return-streets-despite-move-dissolve-government-2025-09-30/;
https://www.reuters.com/world/madagascar-youth-protesters-suspend-marches-capital-24-hours-2025-10-02/]
[6 https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/madagascar/madagascar-repression-d-une-manifestation-pacifique-denoncant-les]
[7 https://www.ohchr.org/en/instruments-mechanisms/instruments/basic-principles-use-force-and-firearms-law-enforcement]
[8 https://www.ohchr.org/fr/documents/general-comments-and-recommendations/general-comment-no-37-article-21-right-peaceful]
[9 https://news.un.org/fr/story/2025/09/1157585]
[10 https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/madagascar/madagascar-repression-d-une-manifestation-pacifique-denoncant-les]
[11 https://rsf.org/fr/manifestations-de-la-gen-z-%C3%A0-madagascar-au-moins-quatre-journalistes-bless%C3%A9s-dont-deux-cibl%C3%A9s-par-0]
[12 https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2025/10/madagascar-authorities-must-launch-investigations-into-deadly-force-used-against-gen-z-protesters/]