[PAROLE D’ACTRICE] Desanges Angélique Mayenga, défenseuse des droits humains et de l’égalité de genre en RDC

Dans le cadre de la Journée mondiale pour l’élimination des violences sexistes et sexuelles (25 novembre), nous avons eu la chance de rencontrer Desanges Angélique Mayenga, membre de l’ONG FDAPID – Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Personnes Indigentes et en Détresse – et militante pour les droits des femmes et des enfants et pour la protection de l’environnement en République Démocratique du Congo.

Activiste des droits humains et environnementaux, Desanges Angélique Mayenga travaille dans la ville de Goma, à l’est de la République Démocratique du Congo. Chargée du genre, de l’enfance et des droits aux ressources naturelles au sein de l’ONG FDAPID, Desanges est engagée dans la lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) auprès des communautés locales et vulnérables. Son engagement pour la défense des droits humains et pour la protection de l’environnement la conduit à travailler en particulier auprès des populations autochtones Pygmées présentes dans la province du Nord-Kivu.

Le fléau des violences basées sur le genre dans le Nord-Kivu

Le Nord-Kivu est une province sinistrée par les conflits armés liés à l’accaparement illicite des ressources forestières et minières. Les populations locales sont les victimes directes du saccage environnemental à grande échelle ainsi que des exactions commises par les groupes armés qui se disputent le contrôle des trafics de métaux précieux dans la région. Parmi ces populations, les femmes et les enfants sont les plus vulnérables : dans et hors des camps de déplacés, les violences sexuelles à leur encontre sont omniprésentes ; elles ont même augmenté en 2023, selon un récent communiqué de presse de l’UNICEF[1]. La violence contre les communautés autochtones Pygmées est également un fléau ; le viol et la torture sont utilisés comme arme de guerre contre ces populations depuis le début du conflit en RDC, et ne font que renforcer l’exclusion et la marginalisation subies de longue date par les Pygmées.

Trajectoire et champ d’action d’une femme engagée

Quand il s’agit de porter la voix des femmes et des enfants, Desanges met toute son énergie et sa passion dans son travail. Sa volonté d’engagement est née de son histoire personnelle : elle-même victime d’actes de violences liées au genre, elle a grandi au sein d’une famille et d’une communauté où elle n’avait pas droit à la parole. Elle a compris très tôt la nécessité de libérer et d’outiller la parole des femmes et des enfants autour des violences qu’elles subissent, afin qu’elles deviennent actrices de leur émancipation : « Chez moi, on m’a inculqué la soumission, et cela m’a toujours étouffée », explique-t-elle. « Étant petite fille, je ne pouvais pas m’exprimer, même si j’avais des choses importantes à dire. Les enfants ont besoin qu’on les défende, mais aussi qu’on leur dise qu’ils et elles sont capables de s’exprimer et d’agir », affirme-t-elle.

Son champ d’action militante n’est pas limitatif : elle s’implique dans des activités de plaidoyer auprès des autorités publiques et militaires de la province ; elle promeut également l’accès aux droits des femmes auprès d’organisations internationales. La collaboration avec d’autres femmes de sa communauté est essentielle à la réussite de ses actions militantes : « Récemment, avec la synergie d’autres femmes, nous avons par exemple réussi à faire condamner un militaire qui avait tabassé une femme » évoque-t-elle.

Desanges anime aussi des campagnes de sensibilisation aux droits humains, aux VBG et à la santé sexuelle et reproductive auprès des jeunes filles Pygmées. « Le taux de mortalité maternelle est très élevé dans ces communautés, en raison des grossesses précoces, des violences sexuelles et plus généralement du manque d’éducation à la sexualité », souligne-t-elle. Par sa présence, elle offre une écoute attentive et bienveillante aux jeunes filles ; elle se rend disponible pour discuter lorsque certaines ont des questions ou des préoccupations en lien avec la sexualité. « Elles savent qu’avec moi, elles peuvent parler librement et sereinement de ces choses-là », ponctue Desanges.

 
Les femmes, les enfants et l’environnement : des « causes communes » dans la défense des droits humains

Les violences qui s’exercent contre les femmes et les jeunes filles ne sont pas seulement d’ordre sexuel : elles subissent aussi de plein fouet des violences économiques et environnementales, et un manque d’opportunités qui freine leurs possibilités d’épanouissement. Dans son travail, Desanges s’investit dans des actions de renforcement des capacités économiques et d’autonomisation des femmes Pygmées, en les accompagnant dans le développement et la pérennisation d’activités génératrices de revenus. Elle nous explique que les femmes autochtones sont « doublement marginalisées » en raison de leur genre, de leur appartenance socio-ethnique et des préjugés culturels et sexistes que les communautés entretiennent vis-à-vis des Pygmées en RDC.

Anciens peuples nomades vivant de la forêt, les Pygmées sont dépendant∙e∙s des ressources naturelles exploitées par les industries extractives et les multinationales ; les activités de ces entreprises et le pillage des ressources minières par les groupes armés sont menés sur les terres ancestrales des communautés autochtones, ce qui les contraint aux déplacements et à la sédentarisation forcés. Au sein des communautés Pygmées, les femmes tiennent une place essentielle dans l’éducation, la transmission des savoirs et des traditions, mais aussi la vie agricole et économique, puisqu’elles travaillent la terre, tout en faisant un usage raisonné de l’environnement et de la biodiversité.

Comme le souligne Desanges, la dégradation environnementale entretient un lien direct avec les questions liées au genre et à la défense des droits humains. « Le genre n’a pas seulement à voir avec l’égalité homme/femme, c’est une question qui englobe toute la société, puisque la condition des femmes et des enfants autochtones, les discriminations qu’ils et elles subissent, leurs possibilités d’accès au soin, à la santé, à l’éducation sont étroitement liées à la dégradation de la forêt et des ressources naturelles ».

Au sein de sa propre communauté, la militante travaille à déconstruire les barrières socio-culturelles qui perpétuent les violences contre les femmes ; elle sensibilise notamment les hommes à ce qu’elle appelle la « masculinité positive », afin qu’ils soient convaincus du bénéfice de soutenir leurs épouses et leurs filles dans le processus d’autonomisation par l’éducation, l’activité économique et la participation politique. « Les femmes de toutes les communautés ont un rôle primordial à jouer dans le développement économique et la gouvernance politique en RDC », conclut-elle.

À l’avenir, Desanges souhaite créer un programme de mentorat, afin de promouvoir l’intégration des jeunes filles Pygmées dans les communautés, notamment par le biais de la scolarisation.

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