[PAROLES D’ACTRICE] En RDC, briser le silence autour des violences commises dans le Rutshuru

Cet entretien est le second d’une série initiée dans le cadre de la Journée internationale des luttes pour les droits des femmes (8 mars), consacrée aux femmes défenseuses des droits humains à travers le monde. Les femmes qui partagent leurs témoignages dans cette série de portraits ont été accompagnées dans le cadre du projet WHRD Window Safety Net, en 2023.

Claudine Neema Serutoke est originaire de la République démocratique du Congo. Elle est militante au sein de la LUCHA (Lutte pour le changement), un mouvement non-partisan et non-violent qui œuvre pour la justice sociale et la promotion des droits humains à travers l’organisation de campagnes de mobilisation citoyenne.

QUELLE EST L’ORIGINE DE VOTRE ENGAGEMENT EN FAVEUR DES DROITS DES FEMMES ?

Je suis née dans le Rutshuru, un territoire déchiré de longue date par le conflit armé. Les droits des femmes y sont piétinés : les femmes sont victimes de viols et d’assassinats ; leurs enfants et leurs maris sont enlevés. En dépit de l’ampleur de ces violations des droits humains – qui ne cessent d’empirer –, les autorités s’impliquent très peu dans la lutte contre ces crimes, et les femmes ont peur de dénoncer ce qui leur arrive. Je crois qu’il est nécessaire de briser le silence autour de ces violences.

QUELLES ACTIONS MENEZ-VOUS DANS LE CADRE DE VOTRE ENGAGEMENT ?

Je suis la coordonnatrice d’une organisation congolaise de défense des droits des femmes. Une de nos missions est de réaliser un monitoring de protection, en effectuant un suivi des cas graves de violations des droits humains à l’encontre des femmes sur les territoires du Rutshuru, du Masisi et du Nyiragongo. Plus généralement, nos actions visent à obtenir l’égalité entre femmes et hommes, et à permettre aux femmes d’accéder aux postes de prise de décisions. Nous nous battons également pour que la justice soit rendue à toutes les femmes victimes du conflit et des exactions commises par les groupes criminels.

QUELLES DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES RENCONTREZ-VOUS EN TANT QUE FEMME DANS VOTRE TRAVAIL ?

Le contexte de travail étant très violent, nous travaillons avec beaucoup de difficultés.  Les rebelles du M23 sèment la terreur sur le territoire. Nous sommes témoins de cas de viols, d’assassinats ciblés, de massacres, d’incendies criminels, de cas de mutilations et de torture à l’encontre de la population civile. En tant que femmes défenseuses, nous sommes visées par des arrestations arbitraires, voire des menaces de mort, tant de la part des groupes criminels que des autorités. De plus, nous n’avons pas de moyens financiers suffisants pour étendre nos actions de plaidoyer au-delà de notre lieu de résidence.

 

QUE REPRÉSENTE POUR VOUS LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES ?

Pour moi, la Journée internationale du 8 mars me rappelle la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui promeut la protection et la participation politique des femmes.

QUELLES SONT VOS RECOMMANDATIONS POUR MENER DES ACTIONS CONCRÈTES EN FAVEUR DES DROITS DES FEMMES DANS VOTRE CONTEXTE ET DANS LE MONDE ?

Nous souhaitons que la paix revienne en RDC et que nous, déplacées, puissions rentrer chez nous. Nous recommandons au gouvernement de mener des enquêtes sérieuses pour que le préjudice des victimes du conflit soit reconnu, que leurs droits soient respectés et que les auteurs des crimes soient punis.

QUELLES ÉVOLUTIONS JUGEZ-VOUS FAVORABLES AUX DROITS DES FEMMES DANS VOTRE PAYS ET DANS LE MONDE ?

Les femmes commencent à participer aux négociations politiques au niveau étatique. Aujourd’hui, les autorités font également preuve de moins de brutalité face aux femmes qui mènent des actions de plaidoyer. Les femmes sont plus actives dans les processus de décisions ; elles font davantage de propositions dans les réunions politiques. Enfin, grâce au travail de sensibilisation, les femmes victimes commencent à dénoncer et à témoigner davantage des violences qu’elles subissent, ce qui leur permet aussi de guérir.

 

UN PETIT MOT POUR LA FIN…

Je souhaite partager avec vous une citation que j’aime : « Si tu veux être libérée par l’autre, tu seras son esclave pour toujours ».

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