[COMMUNIQUÉ] RDC : trois militants de Jicho la Raiya toujours détenus à la prison centrale de Goma

Depuis une année, trois membres du mouvement citoyen Jicho la Raiya (l’œil du peuple) sont détenus à la prison centrale de Goma – Muzenze sans avoir été condamnés. Le tribunal militaire de Goma devrait rendre son délibéré sur l’affaire dans les prochains mois. 

En février 2021, trois membres du mouvement Jicho la Raiya ont été arrêtés en marge d’un sit-in pacifique, organisé devant l’hôpital général de référence de Kirotshe pour dénoncer la mauvaise gestion administrative de l’établissement. Il s’agit de Faustin OMBENI, Serge MIKINDO et Bob LWABOSHI.

Leur arrestation était motivée par l’adresse d’une lettre au gouverneur de la Province de Masisi relative à la mauvaise gestion administrative de l’hôpital et à la dénonciation d’une taxe illégale pour la réhabilitation de la route. Le gestionnaire de l’hôpital de Kirotshe et le responsable de l’entreprise Cotrarmad, en charge de l’entretien des routes, ayant portés plaintes contre les trois militants pour imputations dommageables. A l’époque, les trois militants avaient été détenus pendant 48 heures par la police locale, sans être informés des motifs de leur arrestation, en violation des droits des détenus garantis par le droit international des droits humains et notamment l’article 9(2) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 disposant que « Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui. ».

Par la suite, ils avaient été déférés au Tribunal de Paix de Masisi, le 20 février 2021 avant que leur affaire ne soit de nouveau transmise, au profit du tribunal de grande instance de Goma, environ deux semaines après le lancement de la procédure. Par la suite, la compétence dudit tribunal a encore été modifiée par la promulgation de l’état de siège dans la province du Nord-Kivu ; donnant compétence au tribunal militaire pour toutes les affaires pénales, retardant encore considérablement la procédure.

Depuis lors, soit presque une année, et malgré leurs demandes répétées pour être libérés sous caution, les trois militants sont emprisonnés dans des conditions difficiles, au titre de la détention provisoire, en violation des garanties internationales en matière de détention et notamment l’article 9(3) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 disposant que « Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle […]».

Les charges retenues contre les trois membres du mouvement Jicho La Raiya sont l’imputation dommageable et la dénonciation calomnieuse, prévues par les articles 74 et 76 du code pénal, ils encourent à ce titre jusqu’à 5 ans de prison. La criminalisation des dénonciations effectuées par Faustin OMBENI, Serge MIKINDO et Bob LWABOSHI va à l’encontre des préconisations du Comité des droits de l’Homme en matière de liberté d’expression, qui affirme que « Les États parties devraient envisager de dépénaliser la diffamation et, dans tous les cas, […] l’emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée. » et que « Il n’est pas acceptable qu’un État partie inculpe pénalement un individu du chef de diffamation puis ne le juge pas dans les meilleurs délais − une telle pratique a un effet fortement dissuasif qui peut restreindre indûment l’exercice du droit à la liberté d’expression par l’intéressé et par d’autres personnes. ». De plus, les poursuites semblent infondées considérant qu’il a été fait droit à leurs revendications le 3 mai 2021, lorsque les cadres de l’hôpital de référence de Kirotshe ont été remplacés. Alors que les dernières audiences se tiennent actuellement devant le tribunal compétent et que les délibérations sont attendues dans les prochains mois, les organisations signataires :

  • Constatent que les droits des militants emprisonnés ont été violés à de nombreuses reprises au cours de la procédure ;
  • Rappellent que l’édit portant protection des défenseurs des droits humains en province du Nord-Kivu, adopté le 30 novembre 2019, garantit en son article 5 que « Le défenseur des droits humains ne peut faire l’objet, de la part des autorités public […] d’aucune forme de stigmatisation, de harcèlement, d’intimidation, d’arrestation, de poursuites judiciaires, de torture ou de traitement inhumain, cruel et dégradant du fait de son activité […]. En cas de poursuite, de recherche ou de détention du défenseur des droits humains su seul fait de ses opinions émises, des actes par lui posés ou ses publications dans le cadre de ses activités, les autorités provinciales et locales sont tenues à l’assister et exiger sa libération sans préalable »
  • Appellent le tribunal militaire de Goma à acquitter collectivement les trois membres du mouvement Jicho La Raiya ;
  • Appellent les autorités congolaises à se conformer aux préconisations internationales en matière d’articulation de l’imputation dommageable (diffamation) et de liberté d’expression ;
  • Appellent les autorités congolaises à protéger, à promouvoir et à respecter les droits humains et en particulier les libertés civiques, et notamment la liberté d’expression ;
  • Appellent les autorités congolaises à adopter dans les plus brefs délais une loi portant protection des défenseurs des droits humains au niveau national ;

Les organisations signataires :

  • SOS IJM 
  • SUWE
  • Agir ensemble pour les droits humains
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